Une journée de plus qui s'achevait. La ville était belle la nuit, les choses se dilatent et se contractaient simultanément. Les rues s'élargissaient et les derniers trainards fonçaient comme des lapins dans la garenne, une mère sortit même à son enfant: « Rentre ! C’est le moment où la lune réveille le vampire blafard sur sa couche vermeille. » Cette simple phrase fit sourire la demoiselle aux longs cheveux d'ébène, ils avaient tous peur. La foule se dispersait et soudain toutes les interactions superflues, les sourires vides et les hochements de tête qui ne veulent rien dire sont annulées, chaque rencontre prenait de l'importance. Les personnes voyaient que ceux qu'ils voulaient voir et s'ils voyaient d'autres gens c'est qu'ils le voulaient quoiqu'ils ne le savaient pas ou alors c'était eux qui voulaient les voir. Lilith, elle, ne voulait voir personne et personne ne voulait la voir, elle était qu'une spectatrice.
En même temps que les rues s'élargissaient, elles se refermaient.

La nuit chacun agissait différemment, les rictus qui paraissaient forcés à la lumière du jour deviennent des sourires en coin à vingt-trois heures. Le sourcil levé qui dit " comment elle était ?" ou " Je parie que tu aurais besoin d'un verre, toi aussi", les masques tombent, ils servent que le jour car, quand la nuit tombe, tous rentraient dans le territoire de la lune et elle aimait voir tous son petit monde sans fastes et hypocrisie, nus comme au commencement. Ou au moins certains d'entre eux. Les poètes, rêveurs, les amants et les danseuses. Les enfants du soleil, fiers partisans inlassables du devoir et de la vertu n'étaient plus la nuit. Ils devenaient les amoureux transis, les fêtards, les enfants de la nuit. Et la lune s'occupait bien de siens et ce soir-là elle protégeait bien Lilith. Adossée contre un mur, protéger dans l'ombre, elle avait faim, très faim et le vampire attendait son prochain repas, jusqu'à maintenant, elle n'avait eu affaire qu'à des soulards qui empestaient l'alcool de loin. Non, ça n'allait pas, il n'était pas question qu'elle se coltine un repas affreux, immonde, Lilith attendait le miel, le fruit, l'odeur du sang exquis qui rappelle tous les plus beaux fruits, tous les meilleurs plats. Un jeune homme passa près d'elle, il sentait affreusement bon, durant quelques secondes, la demoiselle prit plaisir à sentir l'odeur, ce fut les secondes de trop car, déjà le jeune homme était rentrée dans une maison. Trop tard ! Lilith aurait très bien pu rentrer dans la maison en toute discrétion, se servir et repartir comme si de rien n'était mais, il n'était pas question de prendre de risque ce soir, quitte à attendre longtemps mais, elle finirait bien par trouver sa future proie. Raah, il était temps de voir vers le quartier des docks, elle trouverait surement mieux là-bas, en un geste, le vampire se transforma en chauve-souris et se posa vers le rebord d'une fenêtre toujours dans l'ombre. De multitudes d'odeurs s'échappaient des docks, par là se trouvaient de nombreuses tavernes mais, surtout un bordel très populaire que toutes classes confondues fréquentaient. Lilith reprit forme humaine et se dirigea vers le bordel. En général, elle trouvait toujours son lot de consolation là-bas, un client ou un "danseur". Elle choisissait soigneusement ses proies, bels hommes ou jeunes demoiselles, les meilleures étaient les filles encore pures évidemment, ce n'est pas dans une maison close qu'elle allait en trouver mais, c'était mieux que mourir de faim. Ses proies étaient jeunes car, ils tenaient plus longtemps et leurs parfums étaient plus forts, plus frais, Lilith adorait ça plutôt que de l'odeur pourrissante qui émanaient des vieux corps.